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militaire. Et tous ces véhicules, dont les moteurs seuls étaient en bon état, transportaient des soldats, quantité de soldats qui avaient des bandages à la tête ou aux jambes : — blessés aux visages pâles que la barbe poussée rendait encore plus tragiques, aux yeux de fièvre qui regardaient fixement, aux bouches que semblait tenir ouvertes la plainte immobilisée de la douleur. — Des médecins et des infirmiers occupaient plusieurs voitures de ce convoi, et quelques pelotons de cavaliers l’escortaient. Les voitures n’avançaient que très lentement, et, dans les intervalles qui les séparaient les unes des autres, des bandes de soldats, la capote déboutonnée ou jetée sur l’épaule comme une capa, faisaient route pédestrement. Eux aussi étaient des blessés ; mais, assez valides pour marcher, ils plaisantaient et chantaient, les uns avec un bras en écharpe, d’autres avec le front ou la nuque enveloppés de linges sur lesquels le suintement du sang mettait des taches rougeâtres.

Marcel voulut faire quelque chose pour ces pauvres gens. Mais à peine avait-il commencé à leur distribuer des pains et des bouteilles de vin, un major accourut et lui reprocha cette libéralité comme un crime : cela pouvait être fatal aux blessés. Il resta donc sur le bord de la route, impuissant et triste, à suivre des yeux ce défilé de nobles souffrances.

À la nuit tombante, ce furent des centaines de camions qui passèrent, les uns fermés hermétique-