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savoir pourquoi, ces vieux ennemis s’étaient serré la main avec cordialité. Il n’y avait plus que des Français.

Arrivé au château, Marcel eut le sentiment de n’avoir pas perdu sa peine. Jamais son parc ne lui avait semblé si beau, si majestueux qu’en cet après-midi d’été ; jamais les cygnes n’avaient promené avec tant de grâce sur le miroir d’eau leur image double ; jamais l’édifice lui-même, dans son enceinte de fossés, n’avait eu un aspect aussi seigneurial. Mais la mobilisation avait fait d’énormes vides dans les écuries, dans les étables, et presque tout le personnel manquait. Le régisseur et la plupart des domestiques étaient à l’armée ; il ne restait que le concierge, homme d’une cinquantaine d’années, malade de la poitrine, avec sa femme et sa fille qui prenaient soin des quelques vaches demeurées à la ferme.

Après une nuit de bon sommeil qui lui fit oublier la fatigue de la veille, le châtelain passa la matinée à visiter les prairies artificielles qu’il avait créées dans son parc, derrière un rideau d’arbres. Il eut le regret de voir que ces prairies manquaient d’eau, et il essaya d’ouvrir une vanne pour arroser la luzerne qui commençait à sécher. Puis il fit un tour dans les vignes, qui déployaient les masses de leurs pampres sur les rangées d’échalas et montraient entre les