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qui venait les rejoindre et partager leur sort. Depuis longtemps Marcel vivait en assez mauvais termes avec les habitants du village : car il défendait ses droits avec âpreté, ne tolérait ni la maraude dans ses champs ni le pâtis dans ses bois. À plusieurs reprises, il avait menacé de procès et de prison quelques douzaines de délinquants. Ses ennemis, soutenus par la municipalité, avaient répondu à ces menaces en laissant le bétail envahir les cultures du château, en tuant le gibier, en adressant au préfet et au député de la circonscription des plaintes contre le châtelain. Ses démêlés avec la commune l’avaient rapproché du curé, qui vivait en hostilité ouverte avec le maire ; mais l’Eglise ne lui avait pas été beaucoup plus profitable que l’État. Le curé, ventru et débonnaire, ne perdait aucune occasion de soutirer à Marcel de grosses aumônes pour les pauvres ; mais, le cas échéant, il avait la charitable audace de lui parler en faveur de ses ouailles, d’excuser les braconniers, de trouver même des circonstances atténuantes aux maraudeurs qui, en hiver, volaient le bois du parc et, en été, les fruits du jardin. Or Marcel eut la stupéfaction de voir le curé, qui sortait du presbytère, saluer le maire au passage avec un sourire amical. Ces deux hommes s’étaient rencontrés, le 1er août, au pied du clocher dont la cloche sonnait le tocsin pour annoncer la mobilisation aux hommes qui étaient dans les champs ; et, par instinct, sans trop