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— Pourquoi fuient-ils, monsieur ? dit-elle au voyageur. La guerre ne concerne que les soldats. Nous autres paysans, nous ne faisons de mal à personne et nous n’avons rien à craindre.

Quatre heures plus tard, à la descente de l’une des collines boisées qui bordent la vallée de la Marne, Marcel aperçut enfin les toits de Villeblanche groupés autour de l’église et, un peu à l’écart, surgissant d’entre les arbres, les capuchons d’ardoise qui coiffaient les tours de son château.

Les rues du village étaient désertes. Une moitié de la population s’était enfuie ; l’autre moitié était restée, par routine casanière et par aveugle optimisme. Si les Prussiens venaient, que pourraient-ils leur faire ? Les habitants se soumettraient à leurs ordres, ne tenteraient aucune résistance. On ne châtie pas des gens qui obéissent. Les maisons du village avaient été construites par leurs pères, par leurs ancêtres, et tout valait mieux que d’abandonner ces demeures d’où eux-mêmes n’étaient jamais sortis. Quelques femmes se tenaient assises autour de la place, comme dans les paisibles après-midi des étés précédents. Ces femmes regardèrent l’arrivant avec surprise.

Sur la place, Marcel vit un groupe formé du maire et des notables. Eux aussi, ils regardèrent avec surprise le propriétaire du château. C’était pour eux la plus inattendue des apparitions. Un sourire bienveillant, un regard sympathique accueillirent ce Parisien