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Le chemin blanc, droit, poudreux, traversait une plaine qui semblait s’étendre à l’infini. Quelques bouquets d’arbres, quelques haies vives, les toits de quelques fermes rompaient à peine la monotonie du paysage. Les champs étaient couverts des chaumes de la moisson récemment fauchée. Les meules bossuaient le sol de leurs cônes roux, qui commençaient à prendre un ton d’or bruni. Les oiseaux voletaient dans les buissons emperlés par la rosée.

Marcel chemina toute la matinée. La route était tachetée de points mouvants qui, de loin, ressemblaient à des files de fourmis. C’étaient des gens qui allaient tous dans la direction contraire à la sienne : ils fuyaient vers le sud, et, lorsqu’ils croisaient ce citadin bien chaussé, qui marchait la canne à la main et le chapeau de paille sur la tête, ils faisaient un geste de surprise et s’imaginaient que c’était quelque fonctionnaire, quelque envoyé du Gouvernement venu pour inspecter le pays d’où la terreur les poussait à fuir.

Vers midi, dans une auberge située au bord de la route, Marcel put trouver un morceau de pain, du fromage et une bouteille de vin blanc. L’aubergiste était parti à la guerre, et sa femme, malade et alitée, gémissait de souffrance. Sur le pas de la porte, une vieille presque sourde, la grand’mère entourée de ses petits-enfants, regardait ce défilé de fugitifs qui durait depuis trois jours.