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discutaient dans leurs garnisons sur la région de la Belgique où l’ennemi recevrait le coup mortel et sur le point de la frontière par où les Français victorieux envahiraient l’Allemagne.

Toutefois la déception n’engendrait aucun découragement. Une espérance confuse, mais ferme, dominait les incertitudes. Le généralissime était le seul qui possédât le secret des opérations. Ce chef grave et tranquille finirait par tout arranger. Personne n’avait le droit de douter de la fortune. Joffre était de ceux qui disent toujours le dernier mot.

Marcel descendit du train à l’aube.

— Bonne chance, messieurs !

Il serra la main de ces braves gens qui allaient peut-être à la mort. Le train se remit en marche et Marcel se trouva seul dans la gare, à l’embranchement de la ligne d’intérêt local qui desservait Villeblanche ; mais, faute de personnel, le service était suspendu sur cette petite ligne dont les employés avaient été affectés aux grandes lignes pour les transports de guerre. De cette gare à Villeblanche il y avait encore quinze kilomètres. Malgré les offres les plus généreuses, le millionnaire ne put trouver une simple charrette pour achever son voyage : la mobilisation s’était approprié la plupart des véhicules et des bêtes de trait, et le reste avait été emmené par les fugitifs. Force lui fut donc d’entreprendre le trajet à pied, et, malgré son âge, il se mit en route.