sur lequel il lui était impossible de croire sa sœur aveuglément. Les atrocités commises en Belgique sur les femmes et sur les jeunes filles démentaient trop positivement ce qu’Héléna racontait de la haute courtoisie des officiers et de la sévère moralité des soldats allemands.
— Ils vont venir, Marcel, ils vont venir. Je ne vis plus… Notre fille… notre fille…
Mais Chichi riait des alarmes de sa mère, et, avec la belle audace de la jeunesse :
— Qu’ils viennent donc, ces coquins ! s’écriait-elle. Je ne serais pas fâchée de les voir en face !
Et elle faisait le geste de frapper, comme si elle avait tenu dans sa main le poignard vengeur.
Marcel finit par se lasser de cette situation et résolut d’envoyer sa femme, sa fille et sa belle-sœur à Biarritz, où beaucoup de Sud-Américains s’étaient déjà rendus. Quant à lui, il avait décidé de rester à Paris, pour une raison dont il n’avait d’ailleurs qu’une conscience un peu confuse. Il s’imaginait n’y être retenu que par la curiosité ; mais, au fond, il avait une honte inavouée de fuir une seconde fois devant l’ennemi. Sa femme essaya bien de l’emmener avec elle : depuis bientôt trente ans de mariage, ils ne s’étaient pas séparés une seule fois ! Mais il déclara sa volonté sur un ton qui n’admettait pas de réplique.
Jules, pour demeurer près de Marguerite, s’obstina aussi à demeurer dans la capitale.