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élevées durant les années de paix ; les ormes des avenues extérieures tombaient sous la hache, pour élargir l’horizon ; des barricades de sacs de terre et de troncs d’arbres obstruaient les portes des remparts Beaucoup de curieux allaient dans la banlieue admirer les tranchées récemment ouvertes et les barrages de fils de fer barbelés. Le Bois de Boulogne s’emplissait de troupeaux, et, autour des montagnes de fourrage sec, bœufs et brebis se groupaient sur les prairies de fin gazon. Le souci d’avoir des approvisionnements suffisants inquiétait une population qui gardait vif encore le souvenir des misères souffertes en 1870. D’une nuit à l’autre, l’éclairage des rues diminuait : mais, en compensation, le ciel était continuellement rayé par les jets lumineux des réflecteurs. La crainte d’une agression aérienne augmentait encore l’anxiété publique ; les gens peureux parlaient des zeppelins, et, comme on exagère toujours les dangers inconnus, on attribuait à ces engins de guerre une puissance formidable.

Luisa, naturellement timide, était affolée par les entretiens particuliers qu’elle avait avec sa sœur, et elle étourdissait de ses émois son mari qui ne réussissait pas à l’apaiser.

— Tout est perdu ! lui disait-elle en pleurant. Héléna est la seule qui connaît la vérité.

Si Luisa avait une grande confiance dans les affirmations d’Héléna, il y avait pourtant un point