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pareilles à des étoiles perdues, les flammes des cierges. C’étaient des pères qui, en pensant à leurs fils envoyés sur le front, se rappelaient les prières de leur enfance. Jusqu’alors la plupart d’entre eux avaient été indifférents en matière religieuse ; mais, dans ces conjonctures tragiques, il leur avait semblé tout à coup que la foi, qu’ils ne possédaient point, était un bien et une force, et ils balbutiaient de vagues oraisons, dont les paroles étaient incohérentes et presque dépourvues de sens, à l’intention des êtres chers qui luttaient pour l’éternelle justice. Les cérémonies religieuses devenaient aussi passionnées que des assemblées populaires ; les prédicateurs étaient des tribuns, et parfois l’enthousiasme patriotique coupait d’applaudissements les sermons. Quand Luisa revenait de l’office, elle était palpitante de foi et espérait du ciel un miracle semblable à celui par lequel sainte Geneviève avait chassé loin de Paris les hordes d’Attila.

Dans les grandes circonstances, lorsque Luisa insistait pour emmener sa sœur dans ces dévotes excursions, Héléna courait avec elle aux quatre coins de Paris. Mais, si aucun office extraordinaire n’était annoncé, la « romantique », plus terre-à-terre en cela que l’autre, préférait aller tout simplement à Saint-Honoré d’Eylau. Là, elle rencontrait parmi les habitués beaucoup de personnes originaires des diverses républiques du Nouveau Monde, gens riches