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lons plus de cela. Nous n’arriverons jamais à nous entendre.

Et désormais il se fit une règle de ne rien dire de la guerre en présence de sa belle-sœur.

Cependant la guerre avait réveillé le sentiment religieux chez nombre de personnes qui depuis longtemps n’avaient pas mis les pieds dans une église, et elle exaltait surtout la dévotion des femmes. Luisa ne se contentait plus d’entrer chaque matin, comme d’habitude, à Saint-Honoré d’Eylau, sa paroisse. Avant même de lire dans les journaux les dépêches du front, elle y cherchait un autre renseignement : Où irait aujourd’hui Monseigneur Amette ? Et elle s’en allait jusqu’à la Madeleine, jusqu’à Notre-Dame, jusqu’au lointain Sacré-Cœur, en haut de la butte Montmartre ; puis, sous les voûtes du temple honoré de la visite de l’archevêque, elle unissait sa voix au chœur qui implorait une intervention divine : « Seigneur, sauvez la France ! »

Sur le maître-autel de toutes les églises figuraient, assemblés en faisceaux, les drapeaux de la France et des nations alliées. Les nefs étaient pleines de fidèles, et la foule pieuse ne se composait pas uniquement de femmes : il y avait aussi des hommes d’âge, debout, graves, qui remuaient les lèvres et fixaient sur le tabernacle des yeux humides où se reflétaient,