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le patriotisme français, surexcité par les événements, faisait la chasse aux espions avec une ardeur infatigable ; et, quoique la dolente et crédule « romantique » ne pût en aucune façon être soupçonnée d’espionnage, Marcel craignait beaucoup de la voir enfermée par l’autorité militaire dans un camp de concentration et d’être accusé lui-même de donner asile à des sujets ennemis.

Héléna semblait ne pas comprendre très bien la fausseté de sa situation et les sentiments de son beau-frère. Dans les premiers jours, alors que Marcel était encore pessimiste, elle avait pu faire ouvertement devant lui l’éloge de l’Allemagne sans qu’il s’en offusquât, puisqu’il était à peu près du même avis qu’elle. Mais, lorsque la contagion de l’enthousiasme public eut réveillé en lui l’amour de la France et le remords de la faute ancienne, l’attitude d’Héléna lui devint insupportable.

Au déjeuner ou au dîner, après avoir décrit avec une éloquence lyrique le départ des troupes et les scènes émouvantes dont il avait été le témoin, il s’écriait en agitant sa serviette :

— Ce n’est plus comme en 1870 ! Les troupes françaises sont déjà entrées victorieusement en Alsace. L’heure approche où les hordes teutonnes seront rejetées sur l’autre rive du Rhin.

Alors Héléna prenait une mine boudeuse, pinçait les lèvres et levait les yeux au plafond, pour pro-