Page:Blasco-Ibáñez - Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puisqu’elle-même était résolue à prendre en femme vaillante sa part des fatigues et des dangers de la guerre, n’y avait-il pas une nuance de mépris inconscient dans cet amour qui se félicitait de l’oisive sécurité de l’aimé ?

Le lendemain, il dit à Argensola, qui n’ignorait rien de sa liaison avec Marguerite :

— Il me semble que nous sommes dans une situation fausse, sans que je discerne clairement la raison de notre mésintelligence. A-t-elle recommencé à aimer son mari sans le savoir elle-même ? Peut-être. Mais ce qui est certain, c’est qu’elle ne m’aime plus comme auparavant.

Cependant la guerre avait allongé ses tentacules jusqu’à l’avenue Victor-Hugo.

— J’ai l’Allemagne à la maison ! grommelait Marcel Desnoyers, d’un air morose.

L’Allemagne, c’était sa belle-sœur Héléna von Hartrott. Pourquoi n’était-elle pas retournée à Berlin avec son fils, le pédant professeur Julius ? À présent les frontières étaient fermées, et il n’y avait plus moyen de se débarrasser d’elle.

L’une des raisons qui rendaient pénible à Marcel la présence d’Héléna, c’était la nationalité de cette femme. Sans doute elle était argentine de naissance ; mais elle était devenue allemande par son mariage. Or