dement sous une pluie de mitraille, avait continué le feu avec quelques artilleurs encore valides et avait réussi à couvrir la retraite d’un bataillon. Deux fois déjà il avait été cité à l’ordre du jour, et il obtiendrait bientôt la croix de la légion d’honneur.
Ce chaleureux éloge de Laurier ne fût pas du goût de Jules, qui pourtant, cette fois, eut le bon goût de s’abstenir de toute protestation, mais qui fit involontairement la grimace. Marguerite surprit cette expression fugitive de mécontentement et crut devoir réparer son imprudence.
— Tu n’es pas fâché que je t’aie lu cette lettre ? demanda-t-elle. Si je te l’ai lue, c’est parce que je ne veux rien te cacher. Je ne comprends pas ta mine jalouse. Tu sais bien que je n’aime pas, que je n’ai jamais aimé mon mari. Est-ce une raison pour ne point lui rendre justice ? Je me réjouis de ses prouesses comme si c’étaient celles d’un ami de ma famille, d’un monsieur que j’aurais connu dans le monde. Tu te fais tort à toi-même, si tu supposes qu’une femme peut hésiter entre lui et toi. Toi, tu es ma vie, mon bonheur, et je rends grâces à Dieu de n’avoir pas à craindre de te perdre. Quelle joie de penser que la guerre ne t’enlèvera pas à mon amour !
Elle lui avait déjà dit cela à un rendez-vous précédent, et, chaque fois qu’elle le lui disait, il en ressentait une secrète atteinte. Puisqu’elle admirait ouvertement le courage de son frère et de son mari,