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Ce ton moqueur agaça la jeune femme qui répondit vivement :

— J’étudie pour être infirmière. J’ai commencé lundi dernier. On a organisé un enseignement pour les dames et les jeunes filles. Je souffrais d’être inutile ; j’ai voulu devenir bonne à quelque chose… Permets-tu que je te dise toute ma pensée ? Eh bien, jusqu’à présent, j’ai mené une vie qui ne servait à rien, ni aux autres ni à moi-même. La guerre a changé mes sentiments. Il me semble que c’est un devoir pour chacun de se rendre utile à ses semblables et que, surtout dans des circonstances comme celles-ci, on n’a plus le droit de songer à ses propres jouissances.

Jules regarda Marguerite avec stupeur. Quel travail mystérieux avait bien pu s’accomplir dans cette petite tête qui jusqu’alors ne s’était occupée que d’élégances et de plaisirs ? D’ailleurs, la gravité de la situation n’avait pas détruit l’aimable coquetterie chez la jeune femme, qui ajouta en riant :

— Et puis, tu sais, le costume des infirmières est délicieux : la robe toute blanche, le bonnet qui laisse voir les boucles de la chevelure, la cape bleue qui contraste gentiment avec la blancheur de la robe. Un costume qui tient à la fois de la religieuse et de la grande dame. Tu verras comme je serai jolie !

Mais, après ce bref retour de frivolité mondaine, elle exprima de nouveau les idées généreuses qui avaient fleuri dans son âme légère et charmante. Elle