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pour le saluer ; mais, quand il me vit, il continua son chemin en détournant les yeux… Il est parti seul, sans qu’une main amie ait serré la sienne… Je ne puis m’empêcher d’avoir pitié de lui…

Son instinct féminin l’avertit sans doute qu’elle avait trop parlé, et elle changea brusquement de conversation.

— Quel bonheur, ajouta-t-elle, que tu sois étranger ! Toi, tu n’es pas obligé d’aller à la guerre. La seule idée de te perdre me donne le frisson…

Elle avait dit cela sincèrement, sans prendre garde que, tout à l’heure, elle exprimait une tendre admiration pour son frère devenu soldat. Jules fut blessé de cette contradiction et accueillit avec mauvaise humeur ce témoignage d’amour. Elle le considérait donc comme un être délicat et fragile, qui n’était bon qu’à être adoré par les femmes ? Il sentit qu’entre Marguerite et lui s’était interposé quelque chose qui les séparait l’un de l’autre et qui deviendrait vite un obstacle insurmontable. Tous deux éprouvèrent une gêne, et spontanément, sans protestation et sans regret, ils abrégèrent l’entrevue.

À un autre rendez-vous, elle lui fit part d’une nouvelle assez étrange. Désormais, ils ne pourraient plus se voir que le dimanche, parce qu’en semaine elle serait obligée d’assister à ses cours.

— À tes cours ? lui demanda Jules, étonné. Quelles savantes études as-tu donc entreprises ?