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rire ; le Commerzienrath avait abandonné la grandiose et lourde ironie de son exorde et développait la partie sérieuse de son discours. Selon lui, les Français étaient de grands enfants, gais, spirituels, incapables de prévoyance. Ah ! s’ils finissaient par s’entendre avec l’Allemagne ! si, au bord de la Seine, on consentait à oublier les rancunes du passé !…

Et le discours devint de plus en plus grave, prit un caractère politique.

— Il dit, monsieur, chuchota de nouveau l’interprète à l’oreille de Jules, qu’il souhaite que la France soit très grande et qu’un jour les Allemands et les Français marchent ensemble contre un ennemi commun… contre un ennemi commun…

Après la péroraison, le conseiller-capitaine leva son verre en l’honneur de la France.

Hoch ! s’écria-t-il, comme s’il commandait une évolution à ses soldats de la réserve.

Il poussa ce cri à trois reprises, et toute la masse germanique, debout, répondit par un Hoch ! qui ressemblait à un rugissement, tandis que la musique, installée dans le vestibule de la salle à manger, attaquait la Marseillaise.

Jules était de nationalité argentine[1], mais il portait un nom français, avait du sang français dans les

  1. En vertu de la législation argentine, Jules Desnoyers, né en Argentine de Marcel Desnoyers, colon français, était Argentin par le seul fait de sa naissance. — G. H.