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territoires perdus ; mais ce seraient les cosaques qui porteraient aux ennemis le coup de grâce, ces cosaques dont tout le monde s’entretenait et que personne n’avait jamais vus.

Quant à Jules, il attendait toujours le rendez-vous promis par Marguerite. Elle le lui donna enfin au jardin du Trocadéro. Ce qui frappa l’amoureux, après les premières paroles échangées, ce fut de voir à Marguerite une sorte de distraction persistante. Elle parlait avec lenteur et s’arrêtait quelquefois au milieu d’une phrase, comme si son esprit était préoccupé d’autre chose que de ce qu’elle disait. Pressée par les questions de Jules, qui s’étonnait et s’irritait même un peu de ces absences passagères, elle se décida enfin à répondre :

— C’est plus fort que moi. Depuis que j’ai reconduit mon frère à la gare, un souvenir me hante. Je m’étais bien promis de ne pas t’ennuyer avec cette histoire ; mais il m’est impossible de la chasser de mon esprit. Plus je m’efforce de n’y point penser, plus j’y pense.

Sur l’invitation de Jules, qui, à vrai dire, aurait mieux aimé causer d’autre chose, mais qui pourtant comprenait et excusait cette obsession, elle lui fit le récit du départ de l’officier d’artillerie. Elle avait accompagné son frère jusqu’à la gare de l’Est, et elle avait été obligée de prendre congé de lui à la porte extérieure, parce que les sentinelles interdisaient au