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d’un lecteur de romans de chevalerie, qui éprouve une déception lorsque le héros du livre ne pourfend pas cent ennemis d’un seul coup d’épée.

L’intervention de l’Angleterre lui fit imaginer un blocus qui réduirait soudain les empires du centre à une famine effroyable. La flotte tenait à peine la mer depuis dix jours, et déjà il se représentait l’Allemagne comme un groupe de naufragés mourant de faim sur un radeau. La France l’enthousiasmait, et cependant il avait plus de confiance encore dans la Russie. « Ah ! les cosaques ! » Il parlait d’eux comme d’amis intimes ; il décrivait le galop vertigineux de ces cavaliers non moins insaisissables que des fantômes, et si terribles que l’ennemi ne pouvait les regarder en face. Chez le concierge de la maison et dans plusieurs boutiques de la rue, on l’écoutait avec tout le respect dû à un étranger qui, en cette qualité, doit connaître mieux qu’un autre les choses étrangères.

— Les cosaques régleront les comptes de ces bandits, déclarait-il avec une imperturbable assurance. Avant un mois ils seront à Berlin.

Et les auditeurs, pour la plupart femmes, mères ou épouses de soldats partis à la guerre, approuvaient modestement, mua par l’irrésistible désir, commun à tous les hommes, de mettre leur espérance en quelque chose de lointain et de mystérieux. Les Français défendraient leur pays, reconquerraient même les