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les approvisionnements pour des mois et des mois. C’était chez elle que le bohème allait se fournir de vivres : grandes boîtes de viande de conserve, pyramides de pots débordant de mangeaille, sacs gonflés de légumes secs. À chacune de ses visites, Argensola rapportait d’amples provisions de bouche et ne négligeait pas non plus de faire d’abondants emprunts à la cave de Marcel. Puis, quand il avait étalé sur une table de l’atelier les boîtes de viande, les pyramides de pots, les sacs de légumes qui constituaient la partie solide de son butin :

Ils peuvent venir ! disait-il à Jules en lui faisant passer la revue de ces munitions de guerre. Nous sommes prêts à les recevoir.

Le soin d’augmenter le stock de vivres et la chasse aux nouvelles étaient les deux fonctions qui absorbaient tout le temps de l’aimable parasite. Chaque jour, il achetait dix, douze, quinze journaux : les uns, parce qu’ils étaient réactionnaires et que c’était un plaisir de voir enfin tous les Français unis ; les autres, parce qu’ils étaient radicaux et qu’à ce titre ils devaient être mieux informés des faits parvenus à la connaissance du Gouvernement. Ces feuilles paraissaient le matin, à midi, à trois heures, à cinq heures du soir. Une demi-heure de retard dans la publication inspirait de grandes espérances au public, qui s’imaginait alors trouver en « dernière heure » de stupéfiantes nouvelles. On s’arrachait les supplé-