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de landsturm. Erckmann se montrait beaucoup plus fier encore du second titre que du premier, et, dès le début de la traversée, il avait eu soin d’en informer tout le monde. Tandis qu’il parlait, le peintre examinait cette petite tête et cette robuste poitrine qui donnaient au Conseiller de Commerce quelque ressemblance avec un dogue de combat ; il imaginait le haut col d’uniforme comprimant cette nuque rouge et faisant saillir un double bourrelet de graisse ; il souriait de ces moustaches cirées dont les pointes se dressaient d’un air menaçant. Le Conseiller avait une voix sèche et tranchante qui semblait asséner les paroles : c’était sans doute de ce ton que l’empereur débitait ses harangues. Par instinctive imitation des traîneurs de sabre, ce bourgeois belliqueux ramenait son bras droit vers sa hanche, comme pour appuyer sa main sur la garde d’une épée invisible.

Aux premières paroles, malgré la fière attitude et le ton impératif de l’orateur, tous les Allemands éclatèrent de rire, en hommes qui savent apprécier la condescendance d’un Herr Commerzienrath lorsqu’il daigne divertir par des plaisanteries les personnes auxquelles il s’adresse.

— Il dit des choses très amusantes, expliqua encore l’interprète à voix basse. Toutefois, ces choses n’ont rien de blessant pour les Français.

Mais bientôt les auditeurs tudesques cessèrent de