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avons faite avec Napoléon nous suffit, et nous n’avons aucune envie de recommencer l’aventure. Nous nous battrons pour notre sécurité et pour celle du monde, pour la sauvegarde des peuples faibles. S’il s’agissait d’une guerre d’agression, d’orgueil, de conquête, nous nous souviendrions de notre antimilitarisme ; mais il s’agit de nous défendre, et nos gouvernants sont innocents de ce qui se passe. On nous attaque ; notre devoir à tous est de marcher unis.

Robert, qui était anticlérical, montrait une tolérance, une largeur d’idées qui embrassait l’humanité tout entière. La veille, il avait rencontré à la mairie de son quartier un réserviste qui, incorporé dans le même régiment, allait partir avec lui, et un coup d’œil lui avait suffi pour reconnaître que c’était un curé.

— Moi, lui avait-il dit, je suis menuisier de mon état. Et vous, camarade… vous travaillez dans les églises ?

Il avait employé cet euphémisme pour que le prêtre ne pût attribuer à son interlocuteur quelque intention blessante. Et les deux hommes s’étaient serré la main,

— Je ne suis pas pour la calotte, expliqua Robert à Marcel Desnoyers. Depuis longtemps nous sommes en froid. Dieu et moi. Mais il y a de braves gens partout, et, dans un moment comme celui-ci, les braves gens doivent s’entendre. N’est-ce pas votre avis, patron ?