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À la stupéfaction de Marcel, Robert parla du régiment avec enthousiasme.

— Je crois en mes idées comme auparavant, patron ; mais la guerre est la guerre et elle enseigne beaucoup de choses, entre autres celle-ci : que la liberté a besoin d’ordre et de commandement. Il est indispensable que quelqu’un dirige et que les autres obéissent ; qu’ils obéissent par volonté libre, par consentement réfléchi, mais qu’ils obéissent. Quand la guerre éclate, on voit les choses autrement que lorsqu’on est tranquille chez soi et qu’on vit à sa guise.

La nuit où Jaurès fut assassiné, il avait rugi de colère, déclarant que la matinée du lendemain vengerait cette mort. Il était allé trouver les membres de sa section, pour savoir ce qu’ils projetaient de faire contre les bourgeois. Mais la guerre était imminente et il y avait dans l’air quelque chose qui s’opposait aux luttes civiles, qui reléguait dans l’oubli les griefs particuliers, qui réconciliait toutes les âmes dans une aspiration commune. Aucun mouvement séditieux ne s’était produit.

— La semaine dernière, reprit-il, j’étais antimilitariste. Comme ça me paraît loin ! Certes je continue à aimer la paix, à exécrer la guerre, et tous les camarades pensent comme moi. Mais les Français n’ont provoqué personne, et on les menace, on veut les asservir. Devenons donc des bêtes féroces, puisqu’on