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Dans le petit atelier, Marcel trouva son menuisier vêtu d’un veston et de larges pantalons de panne, chaussé de souliers à clous, et portant plusieurs petits drapeaux et cocardes piqués aux revers de son veston. Robert avait la casquette sur l’oreille et semblait prêt à partir.

— Vous venez trop tard, patron, dit l’ouvrier au visiteur. On va fermer la boutique. Le maître de ces lieux a été mobilisé, et dans quelques heures il sera incorporé à son régiment.

Ce disant, il montrait du doigt un papier manuscrit collé sur la porte, à l’instar des affiches imprimées mises aux devantures de nombreux établissements parisiens, pour annoncer que le patron et les employés avaient obéi à l’ordre de mobilisation.

Jamais il n’était venu à l’esprit de Marcel que son menuisier pût se transformer en soldat. Cet homme était rebelle à toute autorité ; il haïssait les flics, c’est-à-dire les policiers de Paris, et, dans toutes les émeutes, il avait échangé avec eux des coups de poing et des coups de canne. Le militarisme était sa bête noire ; dans les meetings tenus pour protester contre la servitude de la caserne, il avait figuré parmi les manifestants les plus tapageurs. Et c’était ce révolutionnaire qui partait pour la guerre avec la meilleure volonté du monde, sans qu’il lui en coûtât le moindre effort !