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Ces manifestants étrangers étaient, soit des étudiants et des ouvriers venus en France pour s’instruire dans les écoles et dans les fabriques, soit des fugitifs à qui Paris donnait l’hospitalité après qu’une guerre ou une révolution les avait chassés de chez eux. Les cris qu’ils poussaient n’avaient aucune signification officielle ; chacun de ces hommes agissait par élan personnel, par désir de témoigner son amour à la République. À ce spectacle le vieux Marcel éprouvait une irrésistible émotion et se disait que la France était donc encore quelque chose dans le monde, puisqu’elle continuait à exercer sur les autres peuples une influence morale et que ses joies ou ses douleurs intéressaient l’humanité tout entière.

Dans la journée, Marcel allait à la gare de l’Est. La foule des curieux se pressait contre les grilles, débordait et s’allongeait jusque dans les rues adjacentes. Cette gare, en passe d’acquérir l’importance d’un lieu historique, ressemblait un peu à un tunnel trop étroit où un fleuve aurait essayé de s’engouffrer avec de grands heurts et de grands remous. C’était de là qu’une partie de la France armée s’élançait vers les champs de bataille de la frontière. Par les diverses portes entraient des milliers et des milliers de cavaliers à la poitrine bardée de fer et à la tête casquée, rappelant les paladins du moyen âge ; d’énormes caisses qui servaient de cages aux condors de l’aéronautique ; des files de canons longs et minces,