Page:Blasco-Ibáñez - Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse.djvu/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en témoignant par des claquements de langue son estime pour le cru. Pendant quelques minutes, la majesté de la nuit tint les trois hommes silencieux ; leurs regards, sautant d’étoile en étoile, joignaient ces points lumineux par des lignes idéales qui en faisaient des triangles, des quadrilatères, diverses figures géométriques d’une capricieuse irrégularité. Parfois la subite scintillation d’un astre accrochait leurs yeux et retenait leurs regards dans une fixité hypnotique. Enfin le Russe, sans sortir de sa contemplation, se versa un troisième verre de vin et dit :

— Que pense-t-on là-haut des terriens ? Les habitants de ces astres savent-ils qu’il a existé un Bismarck ? Connaissent-ils la mission divine de la race germanique ?

Et il se mit à rire. Puis, après avoir considéré encore pendant quelques instants cette sorte de brume rougeâtre qui s’étendait au-dessus des toits :

— Dans quelques heures, ajouta-t-il sans la moindre transition, lorsque le soleil se lèvera, on verra galoper à travers le monde les quatre cavaliers ennemis des hommes. Déjà les chevaux malfaisants piaffent, impatients de prendre leur course ; déjà les sinistres maîtres se concertent avant de sauter en selle.

— Et qui sont ces cavaliers ? demanda Jules

— Ceux qui précèdent la Bête.

Cette réponse n’était pas plus intelligible que les paroles qui l’avaient précédée, et Jules pensa : « Il est