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étoile. Les avenues qui rayonnent autour du monument allongeaient à perte de vue leurs doubles files de lumières. Les becs de gaz voisins illuminaient les bases du gigantesque édifice et la partie inférieure de ses groupes sculptés ; mais, plus haut, les ombres épaissies faisaient la pierre toute noire.

— C’est très beau, dit Tchernoif. Toute une civilisation qui aime la paix et la douceur de la vie a passé par là.

Quoique étranger, il n’en subissait pas moins l’attraction de ce monument vénérable, qui garde la gloire des ancêtres. Il ne voulait pas savoir qui l’avait édifié. Les hommes construisent, croyant concréter dans la pierre une idée particulière, qui flatte leur orgueil ; mais ensuite la postérité, dont les vues sont plus larges, change la signification de l’édifice, le dépouille de l’égoïsme primitif et en grandit le symbolisme. Les statues grecques, qui n’ont été à l’origine que de saintes images données aux sanctuaires par les dévots de ce temps-là, sont devenues des modèles d’éternelle beauté. Le Colisée, énorme cirque construit pour des jeux sanguinaires, et les arcs élevés à la gloire de Césars ineptes, représentent aujourd’hui pour nous la grandeur romaine.

— L’Arc de Triomphe, reprit Tchernoff, a deux significations. Par les noms des batailles et des généraux gravés sur les surfaces intérieures de ses pilastres et de ses voûtes, il n’est que français et il prête à la