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stitions du paganisme. En effet, le grand progrès réalisé par la religion chrétienne fut de concevoir un Dieu unique et de tendre à créer par là une certaine unité morale, un certain esprit d’union et de paix entre tous les hommes. Le Dieu des chrétiens a dit ; « Tu ne tueras pas ! », et son fils a dit : « Bienheureux les pacifiques ! » Au contraire, le Dieu de Berlin porte le casque et les bottes à l’écuyère, et il est mobilisé par son empereur avec Otto, Franz ou Wilhelm, qu’il les aide à battre, à voler et à massacrer les ennemis du peuple élu. Pourquoi cette différence ? Parce que les Allemands ne sont que des chrétiens d’hier. Leur christianisme date à peine de six siècles, tandis que celui des autres peuples européens date de dix, de quinze, de dix-huit siècles. À l’époque des dernières croisades, les Prussiens vivaient encore dans l’idolâtrie. Chez eux, l’orgueil de race et les instincts guerriers font renaître en ce moment le souvenir des vieilles divinités mortes et prêtent au Dieu bénin de l’Évangile l’aspect rébarbatif d’un sanguinaire habitant du Walhalla.

Dans le silence de la majestueuse avenue, le Russe évoqua les figures des anciennes divinités germaniques dont ce Dieu prussien était l’héritier et le continuateur. Réveillés par l’agréable bruit des armes et par l’aigre odeur du sang, ces divinités, qu’on croyait défuntes, allaient reparaître au milieu des hommes. Déjà Thor, le dieu brutal, à la tête petite, s’étirait les