t’avoue que l’assurance de ce grandiloquent docteur m’avait un peu déprimé. J’ai beau n’être pas de nationalité française ; en ces heures tragiques, je sens malgré moi que j’aime la France. Je n’ai jamais pris part aux luttes des partis ; mais, d’instinct, je suis républicain. Dans mon for intérieur, je serais humilié du triomphe de l’Allemagne et je gémirais de voir son joug despotique s’appesantir sur les nations libres où le peuple se gouverne lui-même. C’est un danger qui, hélas ! me paraît très menaçant.
— Qui sait ? reprit Argensola pour le réconforter. La France est un pays à surprises. Il faut voir le Français à l’œuvre, quand il travaille à réparer son imprévoyance. Hartrott a beau dire : en ce moment, il y a de l’ordre à Paris, de la résolution, de l’enthousiasme. J’imagine que, dans les jours qui ont précédé Valmy, la situation était pire que celle d’à présent : tout était désorganisé ; on n’avait pour se défendre que des bataillons d’ouvriers et de laboureurs qui n’avaient jamais tenu un fusil ; et cela n’a pas empêché que, pendant vingt ans, les vieilles monarchies de l’Europe n’ont pu venir à bout de ces soldats improvisés.
Cette nuit-là, Jules eut le sommeil agité par des rêves où, avec une brusque incohérence d’images projetées sur l’écran d’un cinématographe, se succé-