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ont agi dans l’histoire en vue d’un but qui n’était pas uniquement l’accroissement brutal de leur propre puissance, et, en dernière analyse, ce à quoi ils visaient, c’était le bien de l’humanité. Seule l’Allemagne de ton Hartrott prétend s’imposer au monde en vertu de je ne sais quel droit divin qu’elle tiendrait de la supériorité de sa race, supériorité que d’ailleurs personne ne lui reconnaît et qu’elle s’attribue gratuitement à elle-même.

— Ici je t’arrête, dit Jules. N’as-tu pas approuvé tout à l’heure mon cousin Otto, lorsqu’il disait que les ennemis mêmes de l’Allemagne l’admirent et se soumettent à son influence ?

— Ce que j’ai approuvé, c’est la qualification de servilisme qu’il appliquait lui-même à cette stupide manie d’admirer et d’imiter l’Allemagne. Il est trop vrai que, depuis bientôt un demi-siècle, les autres peuples ont eu la niaiserie de tomber dans le panneau. Par couardise intellectuelle, par crainte de la force, par insouciante paresse, ils ont prôné sans le moindre discernement tout ce qui venait d’outre-Rhin, le bon et le mauvais, l’or et le talc ; et la vanité germanique a été confirmée dans ses prétentions absurdes par la superstitieuse complaisance avec laquelle ses rivaux lui donnaient raison. Voilà pourquoi un pays qui a compté tant de philosophes et de penseurs, tant de génies contemplatifs et de théoriciens profonds, un pays qui peut s’enorgueillir légitimement de Kant le