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faudra pas en conclure que l’Allemagne soit devenue méchante : tout au contraire, sa prétendue cruauté sera de la bonté : l’ennemi terrorisé se rendra plus vite, et le monde souffrira moins. Voilà ce que ton père ne veut pas comprendre ; mais tu seras plus raisonnable que lui. Te décides-tu à partir avec moi ?

— Non, répondit Jules. Si je partais, j’aurais honte de moi-même. Fuir devant un danger qui n’est peut-être qu’imaginaire !

— Comme il te plaira, riposta l’autre d’un ton cassant. L’heure me presse : je dois aller encore à notre ambassade, où l’on me remettra des documents confidentiels destinés aux autorités allemandes. Je suis obligé de te quitter.

Et il se leva, prit sa canne et son chapeau. Puis, sur le seuil, en disant adieu à son cousin :

— Je te répète une dernière fois ce que je t’ai déjà dit, insista-t-il. Si les Parisiens, comprenant l’inutilité de la résistance, ont la sagesse de nous ouvrir leurs portes, il est possible que tout se passe en douceur ; mais, dans le cas contraire… Bref, sois sûr que, de toute façon, nous nous reverrons bientôt. Il ne me déplaira pas de revenir à Paris, lorsque le drapeau allemand flottera sur la Tour Eiffel. Cinq ou six semaines suffiront pour cela. Donc, au revoir jusqu’en septembre. Et crois bien qu’après le triomphe germanique Paris n’en sera pas moins agréable. Si la France disparaît en tant que grande puissance,