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jusqu’à ces derniers jours. Lorsque nos troupes franchiront la frontière, la division des opinions s’accentuera encore ; militaristes et antimilitaristes se disputeront furieusement, et en moins d’une semaine ce sera la guerre civile. Ce pays a été gâté jusqu’au cœur par la démocratie et par l’aveugle amour de toutes les libertés. L’unique nation de la terre qui soit vraiment libre, c’est la nation allemande, parce qu’elle sait obéir.

Ce paradoxe bizarre amusa Jules qui dit en riant :

— Vrai, tu crois que l’Allemagne est le seul pays libre ?

— J’en suis sûr ! déclara le professeur avec une énergie croissante. Nous avons les libertés qui conviennent à un grand peuple : la liberté économique et la liberté intellectuelle.

— Mais la liberté politique ?

— Seuls les peuples décadents et ingouvernables, les races inférieures entichées d’égalité et de démocratie, s’inquiètent de la liberté politique. Les Allemands n’en éprouvent pas le besoin. Nés pour être les maîtres, ils reconnaissent la nécessité des hiérarchies et consentent à être gouvernés par une classe dirigeante qui doit ce privilège à l’aristocratie du sang ou du talent. Nous avons, nous, le génie de l’organisation.

Et les deux amis entendirent avec un étonnement effaré la description du monde futur, tel que le façon-