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barbares. Soit ! Lorsque Tanger et Toulon, Anvers et Calais seront allemands, nous aurons le loisir de disserter sur la barbarie germanique ; mais, pour l’instant, nous possédons la force et nous ne sommes pas d’humeur à discuter. La force est la meilleure des raisons.

— Êtes-vous donc si certains de vaincre ? objecta Jules. Le destin ménage parfois aux hommes de terribles surprises. Il suscite des forces occultes avec lesquelles on n’a pas compté et qui peuvent réduire à néant les plans les mieux établis.

Hartrott haussa les épaules. Qu’est-ce que l’Allemagne aurait devant elle ? Le plus à craindre de ses ennemis, ce serait la France ; mais la France n’était pas capable de résister aux influences morales énervantes, aux labeurs, aux privations et aux souffrances de la guerre : un peuple affaibli physiquement, infecté de l’esprit révolutionnaire, désaccoutumé de l’usage des armes par l’amour excessif du bien-être. Ensuite il y avait la Russie ; mais les masses amorphes de son immense population étaient longues à réunir, difficiles à mouvoir, travaillées par l’anarchisme et par les grèves. L’état-major de Berlin avait disposé toutes choses de telle façon qu’il était certain d’écraser la France en un mois ; cela fait, il transporterait les irrésistibles forces germaniques contre l’empire russe avant même que celui-ci ait eu le temps d’entrer en action.