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chappe pas à la fatalité. Mais la fatalité ne trouve pas pied dans l’infini, qui ne connaît point l’alternative et a place pour tout. Une terre existe où l’homme suit la route dédaignée dans l’autre par le sosie. Son existence se dédouble, un globe pour chacune, puis se bifurque une seconde, une troisième fois, des milliers de fois. Il possède ainsi des sosies complets et des variantes innombrables de sosies, qui multiplient et représentent toujours sa personne, mais ne prennent que des lambeaux de sa destinée. Tout ce qu’on aurait pu être ici-bas, on l’est quelque part ailleurs. Outre son existence entière, de la naissance à la mort, que l’on vit sur une foule de terres, on en vit sur d’autres dix mille éditions différentes.

Les grands événements de notre globe ont leur contrepartie, surtout quand la fatalité y a joué un rôle. Les Anglais ont perdu peut-être bien des fois la bataille de Waterloo sur les globes où leur adversaire n’a pas commis la bévue de Grouchy. Elle a tenu à peu. En revanche, Bonaparte ne remporte pas toujours ailleurs la victoire de Marengo qui a été ici un raccroc.

J’entends des clameurs : « Hé ! quelle folie nous arrive là en droite ligne de Bedlam ! Quoi des milliards d’exemplaires de terres analogues ! D’autres milliards pour des commencements de ressemblance ! des centaines de millions pour les sottises et les crimes de l’humanité ! Puis des milliers de millions pour les fantaisies individuelles. Chacune de nos bonnes ou de nos mauvaises humeurs aura un échantillon spécial de globe à ses ordres. Tous les carrefours du ciel sont encombrés de nos doublures ! »

Non, non, ces doublures ne font foule nulle part. Elles sont même fort rares, quoique comptant par milliards, c’est-à-dire ne comptant plus. Nos télescopes, qui ont un assez beau champ à parcourir, n’y découvriraient pas, fût-elle