Cette limite sera-t-elle solide, liquide ou gazeuse ? Quelle que soit sa nature, elle devient aussitôt la prolongation de ce qu’elle borne ou prétend borner. Prenons qu’il n’existe sur ce point ni solide, ni liquide, ni gaz, pas même l’éther. Rien que l’espace, vide et noir. Cet espace n’en possède pas moins les trois dimensions, et il aura nécessairement pour limite, ce qui veut dire pour continuation, une nouvelle portion d’espace de même nature, et puis après, une autre, puis une autre encore, et ainsi de suite, indéfiniment.
L’infini ne peut se présenter à nous que sous l’aspect de l’indéfini. L’un conduit à l’autre par l’impossibilité manifeste de trouver ou même de concevoir une limitation à l’espace. Certes, l’univers infini est incompréhensible, mais l’univers limité est absurde. Cette certitude absolue de l’infinité du monde, jointe à son incompréhensibilité, constitue une des plus crispantes agaceries qui tourmentent l’esprit humain. Il existe, sans doute, quelque part, dans les globes errants, des cerveaux assez vigoureux pour comprendre l’énigme impénétrable au nôtre. Il faut que notre jalousie en fasse son deuil.
Cette énigme se pose la même pour l’infini dans le temps que pour l’infini dans l’espace. L’éternité du monde saisit l’intelligence plus vivement encore que son immensité. Si l’on ne peut consentir de bornes à l’univers, comment supporter la pensée de sa non-existence ? La matière n’est pas sortie du néant. Elle n’y rentrera point. Elle est éternelle, impérissable. Bien qu’en voie perpétuelle de transformation, elle ne peut ni diminuer, ni s’accroître d’un atome.
Infinie dans le temps, pourquoi ne le serait-elle pas dans l’étendue ? Les deux infinis sont inséparables. L’un implique l’autre à peine de contradiction et d’absurdité. La science n’a pas constaté encore une loi de solidarité entre l’espace et