Supposez, par exemple, que la France soit le pays où, par une philantropie que j’appelerai homicide, le législateur ait défendu l’emploi des machines dans les arts et l’industrie, et que l’Angleterre ou la Belgique soit le pays au contraire où des récompenses, des privilèges soient offerts et décernés aux inventions utiles, à celles qui économisent des bras et du temps. Que résultera-t-il pour les deux pays de cette position si différente ?
D’un côté on file à la quenouille, on tisse à la main, on blanchit au pré, on imprime à la table deux couleurs au plus et on a de grosses toiles de grosses cotonnades communes irrégulières et qui reviennent à plus de 40 sous l’aune. De l’autre côté au contraire, on file au métier, on tisse à la mécanique, on blanchit au chlore, on imprime quatre couleurs au rouleau, on sèche au cylindre chauffé par la vapeur ; et pour résultat on obtient pour 16 à 20 sous des toiles, des indiennes, plus fortes et de meilleur teint que celles de 40.
La conséquence de ces deux systèmes, c’est que les femmes qui n’ont que 35 sous à mettre par aune d’étoffe, ne peuvent pas acheter de robe tous les ans dans le pays sans machines ; tandis que celles qui habitent le pays à mécaniques peuvent en avoir deux par année. C’est encore que le pays où l’on produira à 16 sous fera tous ses efforts pour faire entrer ses étoffes dans le pays où elles se vendent 40, et qu’il sera secondé dans ses entreprises de contrebande par les habitants mêmes du pays protégé contre les machines. C’est que non seulement on perdra de cette ma-