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je n’ai pas des neveux qui héritent tout naturellement de moi ? »

Cette phrase, grosse d’espérances, ne fit passer qu’un demi-sourire sur la figure de Charles. Il en croyait le notaire, dont nul n’avait jamais soupçonné la véracité, si quelques-uns lui reprochaient une tendance au verbiage, peu séante chez un officier ministériel chargé d’intérêts délicats de toutes sortes ; mais cette assertion coupait en trois l’héritage que le jeune homme souhaitait pour lui tout seul. M. Limet devinait-il la pensée de Charles ? En tout cas, il y répondit en continuant ainsi :

— Soyez certain que, loin de vous en vouloir de votre empressement, votre oncle vous en a su gré. Il vous gardait une assez grosse rancune autrefois ; mais, à mesure qu’il s’est habitué aux services de Julien Trassey, cette rancune s’est affaiblie. Il prenait part à votre avancement progressif dans votre maison de banque, et il avait fini par plaisanter au sujet du débat qui vous avait brouillés. « Ce garçon-là, nous disait-il, aurait été un piètre agriculteur, parce qu’il aurait eu la conviction de s’être rabaissé pour m’obéir. Avec ses idées de bourgeois, ce n’aurait été qu’un paysan malgré lui. Nous aurions passé notre temps à batailler. Il en aurait abrégé ma vie de dix ans. Je lui sais donc gré de m’avoir résisté… » Voilà ce qu’il nous a dit, non pas une fois, mais cent, sous des formes diverses, et vous voyez que vos défiances tombent à faux. Votre arrivée ici est peut-être même un coup de fortune pour vous.