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gagne de minute en minute, et nous emporte dans l’éternité, ce n’était pas à sa dernière heure qu’il songeait. À vingt-six ans, l’on a ou l’on croit avoir tant d’heures devant soi ! Non, cette devise : « Cogite ultima » le faisait rêver à une autre existence, faible flambeau à demi éteint, qui vacillait auprès de là de la vie à la mort. Cette dernière heure, que Charles avait cru venue pour M. Carloman Maudhuy, était-elle encore éloignée ? Avant l’accident de l’avant-veille, M. Maudhuy avait-il, en se promenant dans son jardin, profité de la leçon que lui donnait cette devise ? Avait-il parfois songé à sa dernière heure, dans le sens tout terrestre auquel seul Charles trouvait de l’importance ? Autant de questions insolubles qui laissaient le jeune homme plongé dans une rêverie maussade comme la déception, et niaise comme l’impuissance.

Un franc éclat de rire poussé à ses côtés fit tressaillir tout à coup Charles, trop absorbé pour remarquer qu’on venait à lui.

Ce n’était pourtant pas un sylphe que M. Martin Limet. Il portait gaillardement sa ronde et robuste prestance de Bourguignon, et ses épaules étaient d’un athlète plutôt que d’un scribe. Il n’y avait qu’à considérer sa face épanouie, ses yeux bleus un peu saillants, sa chevelure drue un peu crêpelée, et ses fortes lèvres dont les plis nombreux attestaient la belle humeur et la facilité de caractère pour deviner en lui un bon vivant.

— Ah ! ah ! dit-il en frappant familièrement