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mis en retard. Oh ! j’étais certain que vous viendriez, que vous ne tiendriez pas compte du télégramme de ce finaud de Limet, qui voulait vous détourner de venir.

— Ah ! vraiment, et pourquoi ? Est-ce que le notaire aurait pris sur lui d’empêcher ma visite sans prendre à ce sujet l’avis de mon oncle ?

— La chose est plus compliquée que cela et ne peut guère se raconter dans la rue, dit le docteur Cruzillat en faisant signe au voyageur d’entrer dans sa maison, dont le portail entr’ouvert montrait la cour sablée.

Le docteur Cruzillat était là dans son élément, ayant à commenter les menées d’un de ses concitoyens. Ce n’était pas chez lui vice de caractère inné, mais le fait d’une activité de pensée qui, n’ayant pas à s’exercer suffisamment dans les hautes régions de l’intelligence, s’employait en investigations morales sur son entourage. Si le docteur avait exercé dans un grand centre, son goût naturel pour les recherches, activé par l’émulation, l’aurait porté peut-être jusqu’à marquer de son nom quelque découverte scientifique, et, en tout cas, lui aurait valu des distinctions dans sa carrière ; mais, vivant dans un chef-lieu de canton où il n’avait à traiter que des maladies courantes, il s’était peu à peu désintéressé du mouvement médical ; les brochures et les journaux spéciaux s’entassaient dans son cabinet sans que le coupe-papier y eût fonctionné la plupart du temps. La pratique du