Page:Blandy - Un oncle a heritage.djvu/60

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont les constructions tendent à rejoindre la gare, assez voisine d’ailleurs.

Les passants, gens du peuple pour la plupart, regardaient ce voyageur à tournure citadine qui cheminait, sa valise à la main, dans la rue menant au centre de Sennecey, et les femmes, occupées à balayer le devant de leurs portes, échangèrent leurs suppositions en le voyant dépasser l’auberge où descendent d’habitude les voyageurs de commerce.

Charles avançait d’un bon pas, ne reconnaissant autour de lui aucun visage, mais retrouvant l’aspect du bourg tel qu’il l’avait gardé dans ses souvenirs. C’étaient bien là ces maisons grises et basses, cette rue poussiéreuse, ces murs de jardin en pisé au-dessus desquels passait le panache de quelque arbre fruitier, toute cette humble apparence des existences provinciales à qui suffit l’être, et qui savent se passer du paraître. Charles n’avait que dédain pour ces médiocrités et il se demandait comment il était possible de végéter dans ces bicoques, à moins d’y être forcé par la pauvreté, lorsqu’il fut accosté tout à coup par un vieillard, tout de noir vêtu et avec une certaine correction, qui sortait d’un portail entr’ouvert,

— C’est vous, Charles ! dit-il en tendant la main au voyageur, qui reconnut en lui le docteur Cruzillat, peu vieilli depuis huit ans que le jeune homme ne l’avait vu, C’est vous, je vous guettais, et même j’allais faire un tour jusqu’à la gare pour cela. Ma montre, qui retarde de six minutes, m’a