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les séparaient. Cette instance animait peu à peu Cécile et lui inspirait cette colère farouche qui porte les jeunes âmes aux résolutions extrêmes. Elle n’avait qu’une pensée : chasser cet homme de sa maison. Mais comment y réussir sans esclandre, et surtout sans que rien de cet éclat ne retombât sur Mme Trassey ?… Non, elle supporterait pas plus longtemps la présence de Julien qui lui était un supplice.

On priait Cécile de faire un peu de musique. Elle ne pouvait s’excuser sur son deuil déjà ancien de plusieurs mois, puisqu’on savait à Sennecey que la musique était la distraction des soirées solitaires que la mère et la fille avaient passées jusque-là. Quand Cécile eut cédé à la prière générale, elle retrouva près du piano l’inévitable Julien qui n’avait pas négligé ce nouveau moyen de se rapprocher d’elle : il allumait les bougies et dressait le pupitre. La jeune fille lui dit, d’un filet de voix passant entre ses dents serrées :

— C’est encore vous, Monsieur !

Il était resté debout, accoudé à l’angle du piano. Quand elle releva la tête après un prélude orageux, son regard plongea dans les grands yeux bleus de Julien, tout grands ouverts, et où flottait une expression de surprise et de doux reproche.

Mais Julien n’était plus l’homme d’autrefois, dont la timidité enchaînait les expansions. Se voyant bravé, menacé par l’œil noir de Cécile dont la caresse veloutée avait fait place à la dureté fulgu-