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ne l’avait-elle pas prévu ? Pourquoi une délicate pudeur l’avait-elle empêchée de révéler à sa mère le larcin dont cet homme s’était rendu coupable ? Justement Mme Maudhuy serrait les deux mains de Mme Trassey et s’excusait de ne l’avoir pas prévenue dans sa visite. Si Mme Trassey n’eût pas été la mère de Julien, Cécile aurait renchéri sur ces témoignages d’estime ; elle avait vu à l’œuvre le dévouement de cette digne femme et apprécié son mérite modeste ; mais comment honorer Mme Trassey sans favoriser son fils ? Il était là qui s’autorisait de ce bon accueil pour regarder la jeune fille avec une expression qui la choquait, et dans les quelques mots par lesquels il l’aborda, Cécile trouva un grief du même genre. Il se figurait donc que l’observance rigoureuse du deuil avait seule interrompu leurs relations, et il croyait pouvoir reprendre le ton d’autrefois en l’accentuant d’une émotion que sa réserve avait su mieux dissimuler jadis… Ah ! Cécile saurait arrêter ces démonstrations qui déjà crispaient d’un malin sourire les lèvres de M. Cruzillat et lui faisaient cligner de l’œil en frôlant le coude du notaire.

Entravée par la politesse obligée d’une maîtresse de maison, la froideur de Cécile n’était sans doute pas assez significative pour Julien, car il resta près d’elle pendant la plus grande partie de la soirée, la suivant quand elle changeait de place, non pas avec une hâte trop affichée, mais après une série d’arrêts et de bouts de causerie dans les groupes qui