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apportent les intérêts matériels. Elle y avait perdu des illusions et gagné cette sainte haine de l’égoïsme et de la cupidité qui est la seule vengeance des âmes nobles contre les déceptions qu’on leur a infligées. Elle détestait l’argent et les lâchetés qu’il fait commettre, et trouvait que, par trop s’aimer, l’égoïste agit contre son propre bonheur ; mais si elle allait jusqu’à l’indignation contre ces vices, elle s’abstenait de condamner ceux qui en étaient atteints. Ne devait-on pas les plaindre plutôt ? et la pitié envers des êtres diminués de leur valeur morale par de telles vilenies n’est-elle pas plus juste que le mépris ?

Cécile plaignait donc son frère d’avoir secoué ce joug si doux de la tendresse maternelle pour se livrer sans contrôle et sans charges de famille à ces plaisirs dont la médiocrité de sa fortune l’avait longtemps sevré ; elle avait aussi de la commisération pour Albert Develt qui faisait de son mariage une question de chiffres ; enfin il n’était pas jusqu’à Julien Trassey pour lequel la jeune fille n’éprouvât de la pitié ; mais c’était par un effort sur elle-même qu’elle s’arrêtait à ce sentiment à son égard. Elle avait peine à pardonner à Julien l’illusion qu’il lui avait faite d’un caractère supérieur. Pourtant son indignation première s’était apaisée peu à peu et tout en considérant comme à jamais rompu entre elle et ce jeune homme ce lien délicat qu’y avait noué leur intimité fraternelle auprès de l’oncle Carloman, elle avait tâché de s’ôter de l’âme ce