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vampire. Moi qui ai grandi dans un autre milieu…

— Les Américains, interrompit Charles, ne passent pas pour gens plus délicats que nous, tant s’en faut.

— Je ne romprai pas une lance contre vous en faveur de leur supériorité morale, reprit Carloman d’un ton plus léger. Ils ont leurs vices, les vices d’une race sans traditions qui la retiennent et l’empêchent d’aller jusqu’à l’excès dans l’exercice de la liberté. Mais vous autres, Occidentaux, vous avez les vices des peuples anciens à qui la substance fait défaut et qui se la disputent à outrance. L’ambition de chaque Américain, c’est de devoir son bien-être à son activité personnelle ; l’idéal de chaque Français, c’est d’arrondir sa fortune de façon à devenir rentier. L’Américain est producteur, vous autres, consommateurs. Ce point de départ différent explique pourquoi l’Américain admet la liberté de tester et pourquoi vos hommes de loi vivent des entraves qu’on oppose ici à cette liberté. Et ne croyez pas, mon cher, qu’en vous exposant ma doctrine je prétende faire montre d’une délicatesse de sentiments supérieure à la vôtre. Vous êtes l’homme de votre milieu social. Je suis l’homme du mien. Si l’oncle Carloman me léguait tout son bien, je dépenserais l’héritage entier, s’il le fallait, à défendre mon droit contre le procès que vous me feriez. C’est vous dire que s’il me donne seulement sa bénédiction dans son testament, je l’accepterai pieusement sans récriminer s’il vous a partagé plus richement que moi.