Page:Blandy - Un oncle a heritage.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vous me le donnez presque, à moi, insista le jeune homme ; la tête me tourne à vous voir penchée ainsi sur cet effroyable vide.

— En ce cas, dit Cécile en se redressant, il y a charité de ma part à ne pas vous infliger plus longtemps une sensation désagréable…, mais vous ne me devez pas de remerciements, monsieur ; j’allais me retirer, le fiacre n’est plus visible… Ce pauvre Charles ! Toute une nuit en chemin de fer ! Heureusement que nous sommes au mois de juin. Savez-vous qu’il n’arrivera à Châlon-sur-Saône qu’à quatre heures du matin, et qu’il lui faudra attendre une heure et demie à la gare le premier train-omnibus pour Sennecey ? Et dans quel état va-t-il trouver notre vieil oncle ? Je frémis d’y penser.

— Voilà un attendrissement qui fait honneur à votre bon naturel, dit le jeune homme d’un ton de complaisante ironie. D’après ce que m’en a conté Charles, son oncle, votre oncle, mademoiselle, était une sorte d’égoïste bourru, en somme peu regrettable.

Était…, répéta Cécile en levant cette fois sans timidité ses grands yeux limpides sur l’ami de son frère : vous parlez de mon oncle au passé et par une tournure de phrase d’oraison funèbre ! Mais, monsieur, j’espère bien que mon oncle ne mourra pas de cet accident. Je le connais peu, mais j’aurais bien du chagrin si je devais renoncer à mon plan déjà ancien de le réconcilier avec mon frère. Et puis, voir décroître le nombre de ses ascendants,