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sie des joueurs battus ou la vanité de sa mère réclamait un intermède musical. Il fallait qu’elle payât de sa personne, puisque Cécile avait la simplicité de ne jamais se faire prier. Reine massacrait un des deux morceaux qui constituaient son répertoire : la fantaisie sur Faust ou le Thème allemand, de Leybach. Elle lançait à toute volée ce fouillis de notes, s’accrochant aux passages difficiles, enlevant par routine quelques arpèges, martelant ses accords pour dissimuler les défaillances des basses ; mais bien ou mal rendu au point de vue mécanique, aucun de ces deux morceaux n’arrivait sous ses doigts à exprimer un sentiment quelconque.

M. Martin Limet s’extasiait paternellement devant cette gymnastique tapageuse, mais il exprima ce soir l’opinion générale en disant à sa fille :

— Ces morceaux sont brillants, mais pourquoi ne nous joues-tu pas du nouveau, à l’exemple de Mlle Cécile ?

— Ah ! il faudrait étudier. Tant pis. J’ai fini mon temps de pension, répondit Reine, dont le ton délibéré fit rire l’assistance.

— Savez-vous quelle commission mon parrain vient de me donner pour vous ? vint dire tout bas Julien à Cécile. Il m’a chargé de vous demander si après ce charivari, vous voulez bien lui faire entendre un peu de musique.

Cécile se mit au piano en souriant, mais elle se reprocha vite ce sourire peu charitable, qui ravalait la pauvre Reine Limet.