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visiteurs, Julien ne renonçait pas à sa lecture, ni Cécile à sa broderie, mais l’un et l’autre en étaient forcément distraits par le babil de Reine Limet. Elle adressait à Cécile des questions sans fin sur Paris qu’elle ne connaissait pas et qu’elle s’imaginait comme un lieu enchanté où les fêtes se succèdent sans interruption, faisant de l’existence une fantasmagorie féerique. Elle s’étonnait des réponses de Cécile qui lui avouait ne pas connaître la plupart des lieux de plaisir et des pièces de théâtre qu’elle lui nommait.

Un peu vaine d’être mieux renseignée qu’une Parisienne, ou charmée d’avoir un motif d’arracher Julien à sa lecture, Reine en appela au jeune homme pour savoir s’il était vrai, comme l’affirmait Cécile, que les plaisirs de Paris ne fussent à la portée que d’une minorité d’oisifs.

— Faites-nous la grâce de quitter un instant votre livre pour trancher ce débat entre nous, lui dit-elle avec une vivacité coquette. Vous êtes allé deux fois à Paris. C’est assez pour avoir une opinion.

— J’ai passé, dit Julien, huit jours à Paris il y a six mois ; j’allais y traiter des affaires qui prenaient mes matinées. Je courais les musées dans mes après-midi ; le soir, rompu de fatigue, je m’endormais à l’heure des campagnards.

— Mais à votre autre voyage ? car je vois que celui-là ne compte pas.

— Vous oubliez, Mademoiselle, répondit Julien subitement grave, ou vous ne savez peut-être pas