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rompre la glace, et elle n’aurait pu se résoudre à parler la première à son muet compagnon si un incident ne lui en avait donné l’occasion.

Une voix s’éleva tout à coup du fond d’un fossé, en même temps qu’un chapeau de paille était agité par un bras nu jusqu’au coude, apparaissant au niveau du talus herbu de la route :

— Ohé ! vous de la voiture, allez-vous jusqu’à Sennecey ?

Julien Trassey poussa le cheval jusqu’au bord du talus gazonné et l’on aperçut un vieux paysan assis sur l’herbe du fossé, les jambes étendues ; il était visible que la fatigue et quelque malaise physique l’avaient jeté là, car il était livide, malgré le masque de hâle qui noircissait ses traits ridés, et bien qu’il se trouvât à l’ombre d’un buisson, de grosses gouttes de sueur couraient sur son front et sur ses joues.

— Comment vous trouvez-vous si loin de chez vous, Claude Costet ? lui demanda Julien Trassey.

— Ah ! c’est vous, monsieur Julien ! s’écria le vieillard dont les yeux languissants se ranimèrent. Le bon Dieu m’aime de vous avoir envoyé par ici à la place de tant d’autres qui auraient passé sans faire attention à un pauvre homme dans l’embarras.

— Que vous est-il arrivé, mon pauvre vieux ? dit Julien avec bonté. Mais je le devine. Cette gerbée à côté de vous me prouve que vous avez glané toute la journée. Vous avez couru de champ en champ, sans vous rappeler que vos soixante-seize ans vous