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Cécile, tout en regardant à droite et à gauche les maisons de Saint-Côme, ne put s’empêcher d’examiner à la dérobée Julien Trassey… Ce n’était vraiment pas un paysan, comme elle se l’était figuré d’après Charles qui traitait de rustre le filleul de l’oncle Carloman. Si le teint de Julien était coloré par sa vie en plein air, si la ligne blanche qui apparaissait à son poignet sous ses manchettes lorsqu’il rendait les guides au cheval, attestait par son contraste avec les mains brunies que le jeune homme usait peu de gants, ces mains-là étaient soignées et leur forme élégante, en parfaite harmonie avec le profil correct de Julien, avec ce je ne sais quoi dans les traits et l’attitude qui décèle des habitudes d’esprit délicates.

Bientôt la voiture se lança sur la route départementale. Tout occupé de son cheval qu’il excitait par des petits mots d’amitié sans toucher au fouet, à demeure dans sa gaîne de cuir, Julien ne donnait aucune occasion à Cécile de lui adresser la parole.

Ils parcoururent ainsi plusieurs kilomètres. La route traversait ces riches campagnes châlonnaises où les cultures les plus variées alternent, selon que le terrain s’abaisse ou se relève en plateau. En bas, les prairies entourées de saules noueux et de buissons échevelés, poussant leurs rejets verts, déjà hauts depuis la coupe de juin ; puis les champs de maïs avec leurs hautes quenouilles dont les feuilles lancéolées ressemblent aux oriflammes pendant d’un mât ; plus haut, les champs de blé dont quelques-