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man, vous savez que j’aime Charles, que je suis toujours prête à lui céder, que je vous aide à le soigner, à le choyer ; mais vous savez aussi que, lorsqu’il nous paie de quelque brusquerie, vous avez l’habitude de l’excuser par cette réflexion : « Les hommes sont ainsi… » Eh bien, les jeunes filles tirent les conséquences de ces faits journaliers. Peu à peu je me suis mise à établir une distinction entre ce que j’appelle les sentiments masculins et les sentiments féminins. Les premiers sont tous de personnalité impérieuse, envahissante ; les autres sont d’oubli de soi pour autrui. Voilà le fruit de mon expérience de jeune fille.

— C’est la divagation d’une ignorante qui juge de tout ce qu’elle ne connaît pas, d’après un thème forgé à plaisir, répliqua Mme Maudhuy avec quelque sévérité. Il te plaît d’honorer ton sexe du privilège de l’élévation des sentiments, et de refuser aux hommes la faculté de dévouement que tu déclares exclusivement féminine. Et c’est là-dessus que tu bases ta prévention contre le mariage… Charles t’accusait de niaiserie tout à l’heure ; je serai aussi dure que lui, mais plus juste, en te reprochant de pousser l’orgueil jusqu’à l’absurdité. Tous tes raisonnements aboutissent à déclarer que tu refuses M. Develt comme indigne de toi, et que tu repousses l’idée du mariage parce que tu ne veux pas faire le troc de ta belle âme contre quelque égoïsme masculin.

— C’est cela même, répondit Cécile doucement,