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verser des larmes sur mon arbre de Judée et sur mes boutures de rosiers, les seuls de mes essais de culture qui fussent visibles hors de terre.

« Que de fois dans ces rêves dont je vous parlais plus haut, j’ai vu le labyrinthe entouré de sa ceinture de rosiers en fleurs, et mes espaliers en plein rapport, et mes pieds de pervenche formant un cordon de verdure étoilé de violet tout le long de la charmille, enfin mon arbre de Judée devenu assez grand pour former des rejetons qu’il fallait émonder à leur tour.

« Je crois bien que la plupart de ces rêves me flattaient. Charles n’a su rien me dire au sujet des rosiers et des pervenches ; il est vrai que l’horticulture n’est pas son fort, mais il m’a positivement certifié qu’il se trouve un joli arbre de Judée au milieu de la cour du petit logis. Ah ! si c’était le mien ! Vous ne sauriez vous figurer, mon cher oncle, quelle joie j’en éprouverais. Si c’est le mien, puisque vous l’avez laissé pousser, j’espère que vous ne m’en voudrez pas de tous mes enfantillages de plantations.

« Je vois les feuillets de ma lettre qui s’accumulent et sans que je prenne la peine de les relire je m’aperçois que je ne vous ai parlé que de mon passé. Mais c’est à Sennecey qu’a été mon bonheur. Je me suis crue toujours de passage dans ce Paris où l’on change d’appartement, de maison, où rien n’est stable et établi comme pour toute la vie. Paris est la patrie des riches, j’entends de ceux qui